& les Chroniques
Express
Slow Crush
"Thirst"
DATES | Sorti le 29/08/2025 | Publié le jeudi 23 octobre 2025
ET ALORS | Le son de "Thirst" est tout bonnement époustouflant. On imagine le travail qu’a dû représenter le mixage de pareil ovni, tant la musique pourtant tellurique y est si fluide, presque aérienne, comme transportée dans une bulle de sa propre matière en transit vers les étoiles. Car il a fallu polir ce matériau de départ si brut et si dense, ces guitares et ce jeu de batterie empruntés au métal et au grunge, que la voix douce et murmurée d’Isa Holliday élève au rang d’une dreampop métal hybride, rappelant les mélopées de Rose Berlin de SPC ECO. Plus dense que ses prédécesseurs "Aurora" et "Hush", dont le tempo flirtait souvent avec celui des Cocteau Twins ou de Red House Painters, "Thirst" est l’album le plus frontal du groupe belge, le plus saccadé aussi, duquel le magma sonore s’écoule comme d’un robinet ouvert au maximum en flow continu. On pense à Amusement Parks On Fire et à Filter pour les parties de guitares et de batterie, avec ici ou là ce supplément ouaté emprunté à la shoegaze du Slowdive du tout début des 90s. Un solo de saxophone vient finir de brouiller les cartes dans un jeu de piste déjà bien atypique, dans une forge sonore inspirée qui connecte des univers d’ordinaires isolés. Sublime.
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17/20
The Young Gods
"Appear Disappear"
DATES | Sorti le 13/06/2025 | Publié le jeudi 5 juin 2025
ET ALORS | Quel cadeau ! Nous n'osions plus espérer un disque d’une telle efficacité immédiate de la part des Young Gods après leurs deux derniers exercices expérimentaux successifs, "Data Mirage Tangram" et "The Young Gods Play Terry Riley In C", qui, s'ils nous offraient chacun une facette différente de leurs infinies possibilités, nous laissaient tout de même sur notre faim. Mais cette fois, aucun doute possible : c’est la bonne. Quel plaisir de retrouver ces compositions qui rappellent l’ambiance générale de "Superready / Fragmenté", ces riffs samplés auxquels se superpose un jeu de guitare live introduit depuis l’album "Everybody Knows". Le groupe nous propose la crème de sa recette old school, les tubes s’enchaînent en rafale du début à la fin : la batterie percute, avec soin et précision, Franz nous sert des expressions phonétiques qui n’appartiennent qu’à lui ("Tu En Ami Du Temps", "Blue Me Away"), s'accrochant toujours au concept pivot sur lequel repose essentiellement l’énergie du groupe : le son, qu’il soit mitraillé par un sampler ou qu’il s’agisse de celui d’un simple mot. "Appear Disappear", ce sont dix titres qui mêlent un savoir faire unique à de nouvelles trouvailles sonores, et qui garantissent aux jeunes Dieux une immortalité qu'ils n'avaient probablement pas anticipée à leurs débuts. Un cru exceptionnel.
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19/20
Bestial Mouths
"R.O.T.T. (inmyskin)"
DATES | Sorti le 11/08/2023 | Publié le dimanche 24 septembre 2023
ET ALORS | Nous avions découvert Bestial Mouth en 2019 avec "Inshrouds", un EP qui sublimait la plus sombre des darkwaves portée par des rythmes electro industriels implacables, et dont les vocaux franchement habités de sa chanteuse nous avaient fait l’effet d’un électrochoc. Quatre ans, un remaniement de personnel et deux albums plus tard, "R.O.T.T. (inmyskin)", le sixième album studio du groupe de Sacramento est produit par Rhys Fulber et mixé par Greg Reely : lorsque les responsables du son Front Line Assembly sont impliqués, strictement rien n’est laissé au hasard. Quant au chant incantatoire de Lynette Cerezo, il semble directement hérité de celui d’une Lisa Gerrard qui aurait pactisé avec un label de musique expérimental. Le résultat est imposant tout au long de ces neuf titres dont les rythmiques truffées de détails rendent fade n’importe quelle séquence binaire. Rhys Fulber a su instiller les ingrédients de son Conjure One au chaos initial de ces hymnes pour rituels sacrificiels et apporte son savoir-faire à un disque sans concession et terriblement réussi.
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15/20
Dry Cleaning
"Stompwork"
DATES | Sorti le 21 octobre 2022 | Publié le lundi 13 février 2023
ET ALORS | Avec ce deuxième album, très attendu après le battage médiatique (relatif, certes) qu'il y eût autour du premier, Dry Cleaning renoue avec un genre un peu oublié, le "funk-punk", "disco-punk", "groovy-post- punk" ou quelqu'autre terme qu'on voudra bien lui donner. Mais on le sait, le cap du second disque est difficile, les musiciens devant souvent se remettre en question, rapidement, sans avoir le temps de faire mûrir leurs morceaux comme ils ont pu le faire pour leurs premiers disques. Celui-ci gagnera à être apprécié après plusieurs écoutes, faute à sa complexité et au chant parlé de Florence Shaw qui s'avère ici un peu agaçant. Ok, c'est la mode dans le post-punk "2.0", mais il faut savoir doser le côté monocorde et l'émotion. Malgré tout, la qualité des compos est assez bluffante : ça part dans le simili-jazz et autres musiques "évoluées" (attention à ne pas aller trop loin non plus), déjà inaugurées par Squid, Black Country New Road ou Black Midi, des jeunes groupes qui font frémir les critiques rock intello-snobinards qui se gargarisent de culture élitiste. Moins groovy que le premier donc, avec pour résultat des ambiances assez étouffantes (le chant), peu d'énergie, quasiment pas même, et pour un peu, on s'ennuierait sévèrement.
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16
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13/20
Flint Glass
"Azathoth"
DATES | Sorti le 21 juin 2022 | Publié le jeudi 8 septembre 2022
ET ALORS | Second volet de la trilogie que Flint Glass consacre à l’oeuvre d’H.P. Lovecraft, "Azathoth" a digéré toutes les collaborations dark ambient qu'a menées Gwenn Trémorin depuis la sortie du premier volume, "Nyarlathotep", en 2006. Écouter ce nouveau disque cent pour cent Flint Glass, le premier depuis seize ans, c’est décider de quitter notre monde pour un autre, aux contours flous, drapé dans une dark ambient brumeuse, pénétrante et habitée, dans laquelle l’auditeur avance à la lumière pâle de sa frontale, sans oser plisser les yeux afin d'éviter une mise au point qu'il pourrait regretter amèrement. C'est aussi une électronica ultra dark aux rythmiques savantes et tout en finesse que distille "Azathoth", où le travail sur le son reste époustouflant tout au long de ces huit titres riches de minutieux détails qui rendent compte d'un bestiaire venu d’un univers parallèle et effrayant, imaginé par l'écrivain américain au siècle dernier, et que complète à merveille celui, sonore, du musicien français. Face à une telle justesse de complémentarité, on s’interroge : et si Flint Glass venait de réaliser la collaboration la plus ultime qui soit, celle qui réunirait deux artistes qu'un siècle sépare mais que l’imaginaire rapproche indéniablement ?
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16/20
Just Mustard
"Heart Under"
DATES | Sorti le 27 mai 2022 | Publié le lundi 25 juillet 2022
ET ALORS | Nous étions très impatients de découvrir "Heart Under", le second album des Irlandais de Just Mustard. Bien sûr, la référence à Cranes est évidente, mais si la voix de Katie Ball rappelle celle d’Alison Shaw, reconnaissons qu’elle est plus juvénile qu’enfantine. Quant à la structure de ses titres, le groupe s’inspire exclusivement de la période "Self-Non Self" de ses aînés, principalement pour le côté expérimental du son : brut, rêche, à des années-lumière d’une musicalité ordinaire ; en un mot : extraterrestre. Le génie de Just Mustard, c’est ce jeu de guitare non conventionnel qui relève de la performance de chaque instant : le groupe s’emploie à dénicher les sons les plus improbables qu’une guitare électrique puisse offrir, sans jamais jouer d’accord ni de véritable suite de notes, en se concentrant sur les vrombissements et autres dissonances tout au long de ses chansons. Car c’est bien de chansons dont il s’agit ici, et c’est à cela que fait certainement référence le titre même du disque : sous l’apparente rudesse de la musique, c’est à ce chant fragile, cet "Heart Under", qu’incombe la lourde tâche de transformer ces folles expérimentations sonores en chansons avec un remarquable talent du début à la fin du disque.
CONNEXE | Noise | Rock | Experimental | Cranes
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15/20
Rhys Fulber
"Brutal Nature"
DATES | Sorti le 26 novembre 2021 | Publié le mardi 1 février 2022
ET ALORS | Il n’est plus vraiment nécessaire de présenter Rhys Fulber, car même si le musicien ne publie des disques sous son propre nom que depuis à peine cinq ans, cela en fait plus de trente qu’il ré-invente le son de Front Line Assembly et de ses multiples side-projects album après album. Son projet solo Conjure One entre parenthèse depuis 2015, le Canadien a sorti fin novembre son troisième album solo d’industrial techno d’un genre forcément nouveau : "Brutal Nature". Un déménagement loin de L.A. et un studio réduit l'ont conduit à enregistrer un disque plus intime que ses deux précédents, plus varié et plus méditatif, hormis l’anxiogène dernier titre réalisé en compagnie de Sarah Taylor (Youth Code) qui vient perturber un voyage dont la dynamique semblait parfaite depuis le début du programme. Ce "Brutal Nature" dont le titre exprime très justement une dualité rare, que l’on peut d’ailleurs ressentir dans cette alternance de rythmiques façon coup-de-poing et de passages ambient à la chaleur communicative, est une oeuvre bien plus complexe qu’aucune autre, truffées d’excellentes surprises et dont la richesse est essentiellement due à un savoir-faire et une finesse d’exécution exceptionnels. Un très beau disque à ne surtout pas manquer.
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15/20
Carlo Onda
"Souleater"
DATES | Sorti le 10 janvier 2021 | Publié le mercredi 21 avril 2021
POURQUOI | Pochette | Nom
ET ALORS | Quel… paradoxe. Autant le socle des compositions de Carlo Onda semble basique, que ce soient les sonorités de "synthés", de "percussions", les petits sons dispensés ça et là que l'on pourrait soupçonner d'être plus archaïques que véritablement vintage, mais en même temps, quel plaisir ! C'est carré, c'est puissant, ça donne envie de pousser à fond son ampli et de faire vibrer tout son appartement avec ce son qui vrombit et vous rend invincible lorsqu'il pénètre dans vos oreilles. Une sorte d'EBM du 21e siècle, qui n'est pas sans rappeler celle de Silent Servant, Kontravoid, ou Anthony Rother, mais avec deux choses en plus, ce mood italo-disco tout droit sorti des années 80, et ce "gros son" qui défonce tout, littéralement. Si on y ajoute cette voix nonchalante et burnée, cette impression de constant (dés)équilibre, mixant sonorités désuètes et production de génie, ce disque devient absolument irrésistible. Carlo Onda est originaire de Suisse allemande et son album "Souleater" est autoproduit, bien que le garçon ait déjà fait ses frasques avec ses premières K7 et EP sur les labels péruviens InClub Records, chez les Espagnols Oráculo Records et avec Cold Transmission. Un must pour démarrer ce nouveau printemps de confinement.
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15/20
Sébastien Guérive
"Omega Point"
DATES | Sorti le 19 mars 2021 | Publié le lundi 12 avril 2021
ET ALORS | À la fois musicien et sound designer, Sébastien Guérive fait partie de cette famille de compositeurs à laquelle appartiennent également Ben Lukas Boysen, Ben Frost ou encore Franck Vigroux, et dont le travail sur le son est essentiel, sinon primordial, pour transmettre des sensations à l’auditeur, reléguant parfois la mélodie au second plan. "Omega Point", le nouvel album du Nantais, est de par son apparente simplicité mélodique et sa complexité sonore, une machine à faire cristalliser des émotions pures, comme s’il appartenait à chacun d’imaginer les scènes d’un film muet à partir de ses compositions électroniques. Grâce à une palette généreuse de sons juxtaposés et de mélodies discrètes à la musicalité fraiche, presque candide, les titres s’enchaînent, chacun suggérant une émotion particulière, comme si nous étions immergés dans une succession des scènes où s'inviteraient tour à tour l’angoisse, la surprise, la déception, la colère, l’audace ou encore la mélancolie, voire le regret. Egalement metteur en son pour des créations au théâtre, ce magicien maîtrise sans conteste le pouvoir suggestif des vibrations et des textures. Une très belle réussite, émouvante et délicate.
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PRÉMO
14/20
Front Line Assembly
"Mechanical Soul"
DATES | Sorti le 15 janvier 2021 | Publié le dimanche 28 mars 2021
ET ALORS | Deux mois seulement ont séparé son annonce et sa sortie, et l’on comprend l’urgence car qui mieux que Front Line Assembly sait chanter la pandémie, la désolation et la fin du monde ? Mais c'est surtout dans sa conception que "Mechanical Soul" intrigue : Rhys Fulber reconnaît avoir accumulé énormément de matériel solo depuis ses débuts techno en 2017, et admet volontiers avoir pioché dans cette réserve pour donner corps à cet opus, pourtant enregistré à deux. Cela s'entend effectivement sur chaque morceau qui sonne comme ses productions personnelles, avec en sus la marque de fabrique du groupe reconnaissable entre mille : les vocaux de Bill Leeb calés au millimètre. Les morceaux s’enchaînent et percutent comme cet extraordinaire "Unknown" qui présente quelques similitudes avec "Shifting Through the Lens" sur "I.E.D", ou "Komm, Stirbt Mit Mir" qui rappellera à bien des égards "Schicksal" sur "Civilization". Un magnifique tour de passe-passe transforme le "Future Fail" avec Jean-Luc de Meyer sur "Artificial Soldier" en un "Barbarians" peut-être ralenti, mais à la puissance de frappe décuplée. Avec un nouveau Noise Unit également dans la course, on se dit que l'on va réussir à tenir bon en 2021.
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PRÉMO
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